John “Jack” Bannister (1760-1836), un Nancy Storace en pantalons
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Pastel de John
Russell (1799)
(source :
National Portrait Gallery, Londres)
« Jack » Bannister, pour utiliser son surnom,
fut un collègue régulier de Nancy Storace
au théâtre de Drury Lane, formant avec elle un couple de serviteurs ou de
personnages comiques très appréciés du public.
Les qualités de Nancy et « Jack » furent
même si similaires, que le biographe de l’acteur, John Adolphus, les compara
ainsi, lorsqu’ils apparurent tous deux en 1789, dans The
Haunted Tower de Stephen
Storace :
« En
Adela, Storace était Bannister en jupons. La même naïveté, le même franc-parler, la même apparence d’honnêteté et de
chaleur affectueuse, les distinguaient tous deux. »
Bien qu’acteur et non chanteur de formation, ce baryton avait certaines facilités. Il
pouvait sans difficulté alterner ses rôles théâtraux et ses apparitions dans
les ballad operas programmés à
l’époque. Il aurait eu une « voix pleine, ronde, claire, virile et
intelligible ».
Biographie
Né
le 12 mai 1760 à Deptford, John Bannister est le fils de Charles Bannister (1741-1804), un ancien employé devenu acteur
amateur puis professionnel, engagé en 1762 au théâtre de Haymarket, à Londres,
et par la suite au théâtre de Drury Lane. Il chantait également des rôles de
basse et en falsetto (sa Polly dans The
Beggar’s Opera était réputée.)
Doué
pour le dessin, John entre à la Royal Academy en 1777. Il étudie d’abord avec
De Loutherbourg, mais doit ensuite trouver un autre professeur, moins cher pour
les ressources familiales. Les talents d’imitation du jeune homme sont déjà
remarqués par ses condisciples. Bannister se lie d’amitié avec le futur grand
caricaturiste Thomas Rowlandson, et gardera, sa vie durant, son intérêt pour la
peinture.
John Bannister dans sa loge à Drury
Lane, 3 décembre 1783
par Thomas Rowlandson
(source : Wikigallery)
Il
finit par être auditionné par le grand acteur David Garrick (avec la scène
d’Hamlet devant le fantôme de son père). Ce dernier le prend sous son aile, et
le jeune Bannister fait ses débuts dans la soirée à bénéfice de son père
Charles, le 27 août 1778, où son talent d’imitation fait merveille. Garrick
l’instruit également pour le rôle de Zaphna, dans la tragédie de Mahomet (une adaptation d’après
Voltaire), face à « Perdita » Robinson en Palmira, le 11 novembre
1778. La mort de Garrick en janvier 1779 interrompt cet apprentissage d’emplois
tragiques. Le jeune comédien sera l’un des acteurs comiques les plus encensés
de sa génération.
Lors
de la saison de 1779-1780, « Jack » suit Charles Bannister à Drury-Lane. C’est le début de ses 37
ans de présence au sein de cette troupe, interrompue par des apparitions l’été
au Little Theatre in the Haymarket
(théâtre ouvert quand ceux de Covent Garden et Drury Lane ferment leurs portes).
Durant les 17 étés où il y est programmé, il joue environ 150 rôles.
Bannister
est également employé toute une saison d’hiver au Haymarket, saison
exceptionnelle qui a lieu en 1793-1794 : le théâtre de Drury Lane est en
reconstruction, et une partie de sa troupe a été engagée par Colman,
propriétaire du théâtre. Il y retrouve Nancy Storace, engagée à Drury Lane
entre 1789 et 1796, puis de 1805 à 1808.
L’acteur
fait également de nombreuses apparitions en province : Manchester, Birmingham, Liverpool, Margate, Dublin,
Plymouth, Edinbourg, Brighton, Belfast, Richmond, Bath… Il est l’un des acteurs
célèbres les plus présents sur les scènes provinciales, ce qui accroît sa notoriété.
Petit
à petit, Jack (dit « Bannister Junior » sur les affiches, pour le
distinguer de son père) se glisse dans les rôles de Charles Bannister, leur
donnant une résonnance accrue. Le père et le fils partagent souvent l’affiche à
Drury Lane, jusqu’à la retraite de l’aîné en 1799.
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En
1807, John Bannister devient régisseur de Drury
Lane, mais étant peu doué pour cet emploi, il démissionne assez vite et retourne
à son métier d’acteur et de chanteur comique.
L’incendie
de Drury Lane en 1809 est un coup très dur pour toute la troupe. Bannister
reçoit un don de £ 5000 d’un riche oncle de son épouse ! Mais, utilisant
son don d’imitation, Bannister fait également tourner son Bannister’s Budget, un « one
man show », un des premiers du genre, mélangeant imitations et
soliloque, qui lui apporte critiques enthousiastes et profits, jusqu’en 1810.
Il
retourne triomphalement en 1812 dans le nouveau théâtre de Drury Lane, et prend
sa retraite le 1er juin 1815, avec le rôle de Walter dans The Children in the Wood.
En
1814, il se rend en France. Ce voyage fait l’objet d’un récit haut en couleur du
ténor Michael Kelly, l’un de ses compagnons de voyage, dans ses Reminiscences…
John
Bannister meurt à son domicile londonien le 7 novembre 1836. Il est enterré à
St Martin-in-the-Fields, près de Charles.
Au
cours de sa carrière, il aurait interprété 425
rôles, rôles principaux ou simples apparitions secondaires. Parmi divers
emplois qui marquèrent les esprits, il fut un époustouflant Don Wiskerando dans
The Critic de Richard Brinsley
Sheridan, puis un tout aussi étonnant Joseph Surface dans The School for Scandal.
La
liste
alphabétique de ses rôles a été publiée par John Adolphus en annexe de son
ouvrage sur le comédien. (vol 2, p. 343- 351)
En
1787, il avait été Juan dans The Doctor
and the Apothecary, le premier opéra de Stephen Storace pour Drury Lane,
d’après l’opéra de Dittersdorf ; il apparaîtra dans tous les opéras
comiques du compositeur, se taillant toujours un grand succès et des remarques
laudatives dans la presse.
Memoirs of John Bannister, Comedian
avec un portrait
Personnalité et vie privée
Unanimement
apprécié pour sa bonne humeur, sa générosité et sa gentillesse, John Bannister
semble avoir été un chrétien convaincu et pratiquant. Très convivial, il fait
partie de nombreux cercles, et sa personnalité accueillante et joviale semble
lui avoir fait de très nombreux amis et admirateurs, de toutes les classes
sociales, de la famille royale aux personnes les plus humbles.
Le
26 janvier 1783, il épouse la soprano et actrice Elizabeth Harper (vers 1757-1849), qui se produit régulièrement au Haymarket. (Ell y
crée plusieurs opéras de Samuel Arnold et William Shield, dont le rôle-titre de
sa Rosina en 1786.) Le mariage est
heureux, et le couple a quatre filles et deux fils, élevés selon des principes
religieux stricts, selon Adolphus. Cette famille nombreuse aurait été la raison
du départ à la retraite d’Elizabeth en 1792.
Le
comédien souffre d’accès de goutte très douloureux tout du long de sa vie.
Ainsi, en 1806, un quotidien précise que
« A la suite des blessures
encourues par [John] Braham et [Jack] Bannister, mercredi après-midi, lesquels
ont été éjectés de leur cabriolet à Knightsbridge, Braham est cloué au lit, et
Bannister a été incapable, la nuit dernière de jouer le rôle d’Ali Baba dans la
nouvelle pièce. On pense, pourtant, qu’il sera capable de jouer lundi prochain
pour la soirée à bénéfice de Storace, si le fait d’être alité ne cause pas une
crise de goutte, ce dont il souffre parfois. »
La
même année, il perd plusieurs phalanges à trois doigts, à cause de l’explosion
d’un fusil…
Amateur de peinture, il continue d’avoir des liens très
forts avec le milieu artistique de son temps : Thomas Gainsborough et
George Morland sont des amis proches.
Il
aurait continué à peindre dans son temps libre et son avis est parfois
sollicité pour décors et costumes des pièces et opéras dans lesquels il
apparaît.
Son
goût pour la peinture est de plus attesté par son voyage aux Pays-Bas en 1818.
Faisant un tour des galeries de peinture, en passant par Rotterdam, Bruges et
Ostende, il a noté toutes ses impressions.
Bannister écrivait un journal qui servit de source
principale à Memoirs of John Bannister,
publié en 1839 par John Adolphus.
Bibliographie
HIGHFILL, Philip H., BURNIM, Kalman A., LANGHANS, Edward A. A Biographical Dictionary of Actors,
Actresses, Musicians, Dancers, Managers, and Other Stage Personnel in London,
1660-1800… Volume 1. Carbondale, 1973.
The New Grove Dictionary of Music and Musicians.
Joseph KNIGHT (révision de Nilanjana BANERJI), « Bannister, John (1760–1836) » dans Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.
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