« Mad Bess » de Purcell, un air favori de Nancy Storace
Dans
son répertoire de concert, Nancy Storace reprend régulièrement un air (song) de Purcell. From silent shades, « Bess
of Bedlam » ou « Mad Bess »
(comme l’air est régulièrement appelé dans la littérature du temps), est un air
initialement publié dans le volume IV du Choice
Ayres, Songs and Dialogues de Playford en 1683. Un an après la mort d’Henry
Purcell, il est inclus dans le recueil Orpheus
Britannicus, qui rassemble ses airs les plus réputés.
Premier
song composé par Purcell dans sa
série d’airs de folie, il est probablement inspiré de la ballade « Mad Tom of Bedlam » incluse à
l’époque dans plusieurs masques.
Bedlam
est le nom populaire du Bethlem Royal Hospital, connu également comme St Mary
Bethlehem. Fondé au XIIIe siècle, cette institution était principalement
financée par la bienfaisance, comme tous les hôpitaux destinés aux nécessiteux.
Les
changements de mode et de mouvement dans la musique traduisent de manière
éloquente les séquences illogiques d’un esprit dérangé.
Avec
From rosie bow’rs de Purcell, « Mad Bess » continua d’être très
populaire tout du long du XVIIIe siècle. Par exemple, en 1793, la soprano Maria Dickons (1776-1833) incarna Ophélie
dans Hamlet uniquement pour
introduire cet air en situation.
Le
pathos de la partition en fait une pièce de bravoure très appréciée du public
et un morceau idéal pour l’interprète, qui met en valeur la délicatesse de son
chant, tout comme la versatilité de son interprétation.
Il semblerait que Nancy
Storace l’aborde pour la première fois lors d’une soirée d’oratorio donné au
théâtre de Drury Lane, le 14 mars 1790.
Bien qu’annoncé « première fois et
uniquement pour cette soirée », l’air est repris avec la redite de ce
programme lors de cette série de concerts.
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La
province anglaise l’entend également dans cet air qui semble avoir été
rapidement associé à son interprétation :
En
1790, le programme du « Grand
Musical Festival » de Norwich précise qu’il sera chanté « by particular desire » (« par
souhait spécifique »).
Nancy
Storace interprétera aussi cet air durant l’un des concerts donnés à Oxford, en
juillet 1791, au Sheldonian Theatre, lors du festival durant lequel Joseph
Haydn reçoit son diplôme de docteur en musique (Honorary doctorate in Music).
Ses
apparitions à Hereford (1792), Bath (1794), Manchester (1794), Cambridge
(1795), Bath (1796) lui donneront l’occasion de rechanter ce qui est devenu un
air-signature de son répertoire.
Et,
en 1797 à Londres, lorsqu’elle participe à un concert de charité maçonnique au
profit de petites filles, un chroniqueur de presse souligne que « STORACE n’a pas ménagé sa peine dans Mad
Bess ».
Emma Kirkby, soprano
Richard Campbell, basse de viole
Anthony Rooley, luth
Christopher Hogwood, orgue
(1982)
Le
texte de l'air, d'un auteur resté anonyme, est le suivant :
Bess of Bedlam
From silent Shades and the Elizium Groves,
were sad departed Spirits
mourn their Loves
from Chrystall streams,
and from that Country where Jove
Crowns the Fields with Flowers all the year,
poor Senseless Bess,
cloath’d in her Raggs and folly,
is come to cure her Love-sick Melancholly;
Bright Cynthia kept her Revells late,
while Mab the Fairy Queen did Dance,
and Oberon did sit in State,
when Mars at Venus ran his Lance;
in yonder Cowslip lies my Dear
entomb'd in liquid Gems of Dew;
Each day I'le water it with a Tear,
Its fading Blossom to renew:
For since my love is dead,
and all my Joys are gone;
poor Bess for his sake a garland will make,
my Musick shall be a Groan.
I'le lay me down and dye within some hollow Tree,
The Rav'n and Cat,
The Owl and Bat
shall warble forth my Elegy.
Did you not see my Love
as he past by you?
His two flaming Eyes,
if he comes nigh you,
they will scorch up your Hearts:
Ladies beware ye,
Lest he shou’d dart
a Glance that may ensnare ye;
Hark! Hark! I hear old Charon bawl,
His Boat he will no longer stay,
the Furies lash their Whips
and call come away, come away.
Poor Bess will return
to the place whence she came,
Since the World is so Mad
she can hope for no Cure.
For Lov'es grown a Bubble,
a Shadow, a Name, which Fools do admire,
and Wise Men endure.
Cold and Hungry am I grown.
Ambrosia will I feed upon,
Drink Nectar still and Sing.
Who is content, does all Sorrow prevent?
And Bess in her straw,
Whilst free from the Law,
In her thoughts is as great, great as a King.
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Bess de Bedlam
Depuis les silencieux ombrages et le
bosquets élyséens,
où les tristes ombres défuntes
pleurent leurs amours,
des ruisseaux cristallins
et de ce pays où Jupiter
couronne les champs de fleurs, toute
l’année,
Bess, la pauvre folle,
vêtue de haillons et de folie,
est venue soigner sa mélancolie d’amour.
La brillante Cynthia s’attardait à ses
plaisirs,
Tandis que Mab, la reine des fées, dansait,
et qu’Obéron siégeait sur son trône,
quand Mars pointait sa lance sur
Vénus ;
Là, dans les primevères, s’étend mon aimé,
baignant dans sa tombe de perle de
rosées ;
Chaque jour, je l’arroserai d’une larme,
pour raviver sa fleur défaillante ;
Car puisque mon amour est mort
et que toutes mes joies se sont enfuies,
la pauvre Bess lui tressera une couronne,
ma musique sera un gémissement.
Je m’étendrai pour mourir dans quelqu’arbre
creux,
Le corbeau et le chat,
La chouette et la chauve-souris,
chanteront mon élégie.
N’avez-vous pas vu mon amour,
alors qu’il passait près de vous ?
Ses deux yeux de braise,
s’il vient près de vous,
enflammeront vos cœurs :
Dames, faites attention à vous,
qu’il ne darde sur vous
un regard qui vous ensorcelle ;
Ecoutez ! Ecoutez ! J’entends le
vieux Charon rugir,
Il ne peut retenir sa nacelle,
les furies font claquer leurs fouets,
et appellent : viens, viens.
La pauvre Bess va retourner
au lieu d’où elle vient,
le monde est si fou
qu’elle n’espère plus de guérison.
Car l’amour est devenue une bulle,
une ombre, un mot que les insensés admirent
et que les hommes sages endurent.
Froid et faim, je dois supporter.
D’ambroisie, je me nourrirai,
Du nectar je boirai et je chanterai encore.
Le contentement n’empêche-t-il pas le
chagrin ?
Et Bess dans sa paille,
Affranchie de la Loi,
dans ses pensées est aussi glorieuse qu’un
roi.
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