24 août 1817 – décès de la cantatrice Nancy Storace



Ce jour marque le bicentenaire de la mort d’Ann Selina Storace, plus connue sous son surnom de Nancy… Elle fut la première Susanna de Mozart, et une célébrité de son temps. Mozart composa aussi pour elle l’air de concert « Ch’io mi scordi di te » (K.505), le rôle d’Eugenia dans Lo Sposo deluso (inachevé) et collabora avec Salieri pour la cantate Per la ricuperata salute di Ofelia, écrite en son honneur.


Nancy Storace necrology


Le jour de son enterrement, un journal régional précisait à ses lecteurs,

Le 24 août dernier, dans sa demeure de Herne-Hill, près de Dulwich, [est décédée] la Signora Storace. Elle avait été saisie par une maladie paralytique il y a environ un mois, qui persista jusqu’à Samedi après-midi, quand elle expira. De ses talents comme Actrice et Chanteuse, il n’est pas besoin de parler, car le public la connaissait bien et l’admirait hautement dans ces deux emplois. Pour les personnages écrits pour elle par [les librettistes] Mr. Cobb, Mr. Hoare et Mr. Dibdin, aucune de ses successeuses n’a égalé son humour originel ni son esprit. Elle était une excellente musicienne, et connaissait bien le Français, l’Italien et l’Allemand. En privé, elle était prudente dans l’acquisition et généreuse dans la dépenses. Une fille et une mère plus affectionnée ne pouvait exister. Elle a laissé des biens considérables, dont la majeure partie reviendra à son fils.

Tombée malade vers la mi-juillet 1817, Nancy Storace doit bientôt s’aliter. On lui administre rapidement médicaments et saignées « en abondance », mais rien n’y fait…

Elle décède le 24 août 1817, à une heure et demie dans l’après-midi. Elle avait cinquante-et-un ans. Elle laisse derrière elle, un fils mineur, William Spencer Harris Braham, le fils qu’elle a eu de John Braham, et sa vieille mère Elizabeth Storace.


Enterrement de Nancy Storace


Le 2 septembre, elle est inhumée à St. Mary at Lambeth, paroisse dont dépendait Herne Hill.

Nancy Storace burial

 

 

Monument funéraire de Nancy Storace


En février 1818, sa mère Elizabeth Storace lui fait ériger un monument commémoratif dans l’église.

Il a été conçu par le grand architecte Sir John Soane, que Nancy avait également connu à Florence. Ami des bons et des mauvais jours, il l’a soutenue et conseillée lors de sa séparation avec le ténor John Braham en 1816…


reconstitution du monument funéraire de Nancy Storace

Reconstitution de la plaque commémorative de Nancy Storace.
D’après une aquarelle datant de 1825.

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Le monument est sculpté par un maître maçon, Thomas Grundy, qui sera payé £ 20 pour sa réalisation.

On l’a longtemps cru perdu. En 1982, des travaux réalisés dans le chœur par le Tradescant Trust (lorsque l’église fut transformée en Museum of Garden History) ont permis de faire réapparaître une partie du monument.

Il n’en reste actuellement que la plaque centrale en marbre, sur laquelle est gravée un poème de Prince Hoare, librettiste de son frère Stephen Storace et très vieil ami de Nancy : ils s’étaient connus en 1779 à Florence.

Le texte avait été achevé en novembre 1817 : Prince Hoare fait parler Elizabeth dans cette déploration sur la mort de sa fille.

To the memory of
ANN SELINA STORACE
Who died the 24th day of August 1817 aged 51
her affectionate Mother ELIZABETH STORACE
has erected this Tablet.

Ah! What avails the once resistless pow’r
To gladden with thy mirth the public hour
Ah! What avails that musick tun’d thy throat
And crowds enraptur’d hung on ev’ry note,
The boast how vain, while o’er this votive stone
Droops a lorn Mother, childless and alone!
Yet mem’ry, to thy talents not confin’d
Dwells on the generous virtues of the mind
On CHARITY, on FILIAL DUTY dwells,
And the sunk heart on nobler sorrow dwells
Lord! Before Thee a burden’d Spirit bends
But HOPE aspires and FAITH to Heaven ascends.

Also near the same spot are interred the remains of
ELIZABETH STORACE the Mother by whom this tablet was
erected, who died the 11th May 1821 aged 88 years.

Traduction française assez libre :
En mémoire de
ANN SELINA STORACE
qui mourut le 24 Août 1817 âgée de 51 ans
sa Mère affectionnée ELIZABETH STORACE
a érigé ce monument.

Ah ! Qu’est vain ton pouvoir autrefois irrésistible
A réjouir le public de ton allégresse,
Ah ! Qu’est vaine la musique en accord dans ta gorge
Et les foules ensorcelées attachées à chacune de tes notes,
Cet orgueil, qu’il est vain, alors que sur ce monument
Se courbe une mère abandonnée, sans enfants et esseulée !
Cependant la mémoire, non confinée à tes talents
S’attarde sur les vertus généreuses de ton esprit
S’appesantit sur ta CHARITE, sur ton AMOUR FILIAL,
Et le cœur effondré s’attarde sur des douleurs plus nobles
Seigneur ! Devant toi un Esprit accablé s’incline
Mais l’ESPOIR s’envole et la FOI s’élance aux Cieux.

Près de ce même endroit sont enterrés les restes d’
ELIZABETH STORACE, la Mère qui fit ériger ce
Monument, qui mourut le 11 mai 1821 à l’âge de 88 ans.


En septembre 1818, Elizabeth Storace se rendra dans l’église pour voir l’effet produit. Elle se plaindra auprès de John Soane de l’accrochage trop haut à son goût de la plaque funéraire, malgré la place disponible. Mais c’est peut-être grâce à cette position en hauteur que ce monument a d’ailleurs partiellement survécu…

Le souci que se faisait Elizabeth pour la mise en place de ce monument va bientôt céder le pas devant son angoisse pour le devenir de son petit-fils. Mais ceci est une autre histoire…

Sources :
Sir John Soane Museum and Archives, Private Correspondence.
Leonard H. Chick, Nancy Storace, Mozart’s First “Susanna”. Plaquette édité par The Tradescant Trust, 1987.
Presse britannique.

Le décès de Nancy Storace et son monument funéraire
font l’objet des pages 345-346 de la biographie de Nancy Storace,
par Emmanuelle Pesqué.

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