1782 – Fra i due litiganti : « Non fidarti, Amor mi dice » (Dorina) [AUDIO]



Créé au Teatro alla Scala le 14 septembre 1782, Fra i due litiganti, il terzo gode (Pendant que deux se disputent, le troisième se réjouit) connut un succès européen foudroyant, dans diverses variantes, tant musicales que linguistiques. Traduit en allemand ou en français, il fut aussi connu sous les titres de I pretendenti delusi, Im Trüben ist gut fischen, Le Nozze di Dorina ou Les noces de Dorine.

C’est Nancy Storace qui créa le rôle de Dorina, personnage devenu l’un de ses rôles emblématiques... Lors de la création d’un des opéras les plus aimés de ses contemporains, elle était fort bien entourée, comme en témoigne la distribution publiée dans le livret imprimé :

Fra i due litiganti de Sarti - distribution Nancy Storace
LIVRET


Le Titta de la création n’était autre que Francesco Benucci, futur Figaro de Mozart.

Notons que la créatrice de la Contessa, la Signora Angela ou Angiola (comme elle est également appelée) Marzorati « detta l’Inglesina » (173 ?-181 ?) partage le même sobriquet que la Signora Storace… On ne sait d’ailleurs pas grand-chose sur elle.

Une création sur mesure ?


Il est tout à fait possible que Giuseppe Sarti, compositeur célèbre et dont les ouvrages étaient extrêmement prisés en Europe, tailla le rôle de Dorina sur mesure pour Nancy Storace.

En effet, le livret imprimé pour la première indique un air, « Sento Amore », aujourd’hui non localisé.


Fra i due litiganti de Sarti - Sento Amore

Si cet air n’a effectivement pas été inclus dans la partition de l’opéra représenté à Milan, il pourrait s’agir d’un souhait de la cantatrice : elle aurait pu demander au compositeur un air qui puisse faire davantage valoir ses qualités de chanteuse « seria ».

A moins que le texte de l’air n’ait finalement pas été retenu par Sarti, et qu’il tout simplement pas été composé. Si la partition de « Sento Amore » a effectivement existé, la substitution a pu avoir lieu plus tard, au gré des représentations scaligères : elle est peut-être tout simplement perdue.

Quoi qu’il en soit, il n’en est pas moins intéressant par la présomption qu’il nous indique : Nancy Storace était sans doute déjà suffisamment « star » pour pouvoir imposer ses vues au compositeur, et obtenir un air qui puisse la mettre en valeur…


« Non fidarti, Amor mi dice »


 
Maria Angela Peters (soprano)
Orchestra del Teatro Comunale di Bologna
Paolo Olmi (dir. musicale), 1986.

Pressée par ses soupirants Mingone et Titta de choisir entre eux deux, la camériste Dorina leur répond :

Récitatif :
[…]
Eh, Signor sì.
Tutti due meritate;
Ma tutti due mi fate
Un poco di timore:
Ah sceglierei, se vi vedessi il core.


Aria :
Non fidarti, Amor mi dice
Del linguaggio degli Amanti
Con lamenti e smanie e pianti
Sono avvezzi ad inganar.

Che vi par di questo avviso,
State li più non parlate,
Ah mi fate un certo viso
Che m’insegna a dubitar.
Récitatif :
[…]
Eh, Signor, oui.
Vous avez tous deux du mérite ;
Mais, tous deux, vous m’inspirez
Quelque petite crainte :
Je choisirais sans crainte, si je voyais vos cœurs.

Aria :
Ne te fie pas, me dit Amour
Au langage des amants
Usant de plaintes, de fureurs et de pleurs,
Ils sont habitués à tromper.

Que pensez-vous de cet avis,
Restez ici et ne parlez pas,
Ah ! vous me faites une certaine mine
Qui m’apprend à douter.

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Variations sur une scène…


Le rôle accompagna la jeune femme à Vienne et à Londres, avec quelques variantes.

Lors de la saison 1783-1784, Nancy Storace reprit bien son rôle de Dorina, mais elle ne chanta pas longtemps cette aria, bien vite remplacée par un air d’insertion composé par son frère, Stephen Storace, « Compatite miei signori ».


Synopsis


La servante Dorina, convoitée par le Comte, a trois prétendants : Masotto, le régisseur du Comte et de la Comtesse, qui finit par l’épouser ; Titta, qui a la préférence du Comte : et Mingone, aidé par la Comtesse. Cette dernière a compris que son mari souhaitait avoir un accès facilité à Dorina, grâce à un mari benêt, et Livietta, sa camériste, souhaite que Dorina épouse Mingone car elle a elle-même des vues sur Titta. Elle finira par avoir gain de cause.

Pour aller plus loin :


Dorothea Link, Arias for Nancy Storace. Mozart’s First Susanna. Middleton, 2002.


Fra i due litiganti est l’objet des pages 54 et 55
de la biographie de Nancy Storace,
par Emmanuelle Pesqué. 

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